Centres de formation et de travail à distance (CDS)
Rencontres #6: les “Centres de formation et de travail à distance (CDS)” et le label d’informatique équitable de Roland Despinoy (Salvador)
Voici un sixième portrait de
notre série d’articles intitulée “Rencontres”.
Il
s’agit à travers ces interviews de mettre en avant vos histoires, concitoyens
ou francophones, qui vivez à l’étranger et vous lancez dans des aventures
associatives, entrepreneuriales ou culturelles.
Cette
fois nous dédions cette rubrique à Roland Despinoy, entrepreneur et responsable
d’une ONG, que j’ai rencontré lors de mon dernier déplacement au Salvador et
qui nous parle d’un projet d’intérêt général formateur, inclusif, et écologique
!
Il a fondé sa société Central American Software
Services qui exporte en France et aux Etats-Unis des applications informatiques
réalisées sur mesure. Nommé Conseiller du commerce extérieur de la France au
Salvador en 2009, il en exerce son troisième mandat et il est actuellement
président de la fédération salvadorienne des entreprises de technologie
d’information et de la communication (CASATIC).
Roland Despinoy,
responsable d’une ONG au Salvador réponds à nos questions
Pourriez-vous
nous parler des Centres de formation et de travail à distance (CDS) et du label
d’Informatique équitable « Fair programming » que vous avez
développé ?
Au Salvador, pays avec l’un des taux d’homicide par
habitant les plus élevés au monde, les communautés les plus impactées par la
violence armée des gangs sont fortement stigmatisées et le simple fait de vivre
dans l’un de ces quartiers est un facteur pratiquement disqualifiant à l’accès
à l’emploi formel. De plus les difficultés pour se déplacer, souvent
sanctionnées par la mort, amène les étudiants à abandonner l’école et à
travailler, forcé ou non, pour l’un de ces gangs armés. Pour ces personnes
discriminées (jeunes, femmes, personnes LGBT), le principal espoir réside dans
l’émigration vers les Etats-Unis.
C’est donc dans cet environnement compliqué que j’ai conçu ces deux concepts – les Centres de formation et de travail à distance (CDS)et de la programmation équitable (Fair programming) – qui permettent de répondre à des enjeux sociétaux comme l’inclusion, le développement durable, et l’accessibilité.
Concrètement, les centres de formation sont
implémentés dans ces zones difficiles avec pour objectif de lutter contre les
contraintes de déplacement en les réduisant tant pour la formation que pour
l’emploi (travail à distance). Cette activité se déploie autour d’organismes
reconnus, comme la Croix Rouge, qui en assurent ainsi la sécurité. Mais
également d’entreprises privées qui concourent à la formation au digital (au
niveau de la pratique) et proposent des emplois à distance à des talents
jusque-là inexploités par ce secteur en extrême croissance et en recherche
permanente de nouvelles recrues.
Le label de programmation équitable « Fair
programming », quant à lui, apporte un avantage d’image aux entreprises
employant ces personnes sujettes à discrimination. Il permet aux consommateurs
de favoriser les produits réalisés sous ce label depuis ces centres CDS,
compensant ainsi l’investissement des entreprises dans ces derniers.
Un centre sera labellisé « Fair
programming » s’il permet concrètement :
- L’inclusion sociale dans
l’accès au travail, en privilégiant les personnes discriminées de ces
quartiers difficiles.
- Un impact environnemental
dans le travail et la formation à distance, à travers ces centres
partagés.
- Un accès à des outils de
travail de qualité.
Quand un service dispose du label « Fair
programming », il y a au moins 30% de la matière première du service
digital qui est réalisé par des personnes qui sont dans ces centres certifiés.
Pour vous donner un exemple concret de travail réalisé par les CDS, le Secours populaire nous a demandé de développer leur plateforme « Panier paysans », une initiative portée par Jean-Michel Fouillade, et de former des jeunes qui vont la gérer.
Combien de jeunes ont bénéficié de ce programme ?
Le premier centre de formation pilote a été implémenté
avec l’aide de la Croix Rouge à Ciudad Delgado, El Salvador et son succès a
entraîné l’investissement de plus de 4 Millions de dollars de la part d’USAID,
association gouvernementale américaine, pour la création de centres dans 8
villes différentes du Salvador. Depuis, plus de 3 000 jeunes, de 18 à 29 ans,
ont été formés. Les meilleurs ont été sélectionnées pour des stages ou des
emplois en alternance dans des entreprises locales.
Comment
avez-vous pu le développer ? Quels soutiens avez-vous reçu ?
C’est très compliqué de mettre en place une ONG au
Salvador car de nombreuses ONG sont utilisées pour blanchir de l’argent.
Aujourd’hui, nous attendons l’aide du Vice-président
Salvdorien qui va nous permettre d’officialiser l’ONG au Salvador.
Nous sommes également en train négocier, avec le
gouvernement salvadorien, la mise en place d’une norme pour labelliser le
« Fair programming » au sein de l’administration. L’idée serait que
les institutions publiques imposent dans leurs marchés publics de projets
informatique la “Programmation équitable”, ce qui permettrait de créer
davantage d’emplois technologiques dans tout le pays. Ainsi les entreprises qui
remporteront les marchés, quelques soit leur taille ou leur pays d’origine,
devront embaucher des jeunes Salvadoriens. Les entreprises qui satisfont à
cette exigence disposeront alors du label Fair Programming, qui équivaut à une
garantie telle que ISO 9000, qui détermine la qualité et le soutien social, un
élément très bien reconnu par d’autres entreprises au niveau international.
Le projet a déjà été présenté au vice-président de la
République, Felix Ulloa, qui s’est montré intéressé par sa promotion, en appui
avec d’autres institutions et une coopération internationale.
Quels conseils donneriez-vous aux projets d’intérêt
général que des Français de l’étranger souhaiteraient lancer ?
Pour lancer des projets d’intérêt général au Salvador
comme en Amérique latin, je pense qu’il est vraiment nécessaire d’être en
contact avec des français qui vivent dans le pays depuis longtemps et qui ont
une bonne image. Je conseillerai par exemple d’être en lien avec les
réseaux des conseillers au commerce
extérieur de la France, être en relation
avec les ONG sur place, et bien entendu, entrer en contact avec les conseillers consulaires.
En
quoi avez-vous l’impression de participer au rayonnement du Salvador ?
Les deux programmes conçus permettent un véritable
changement de paradigme : c’est le dispositif qui s’adapte aux personnes
discriminées et à leur situation et non l’inverse. Ainsi l’acquisition des
compétences pour un emploi d’avenir (dans le digital), adaptée aux contraintes
extrêmes des conditions de vie, est rendue possible pour ces personnes.
Ces programmes permettent ainsi une revalorisation des
zones considérés comme extrêmement dangereuses, par l’émergence de talents et
le développement d’activités.
Ces deux programmes permettent ainsi de redorer
l’image du Salvador et de montrer que le pays se développe, évolue aux profits
des plus discriminés et en défendant des valeurs sociétales forte comme
l’inclusion, l’environnement et l’accessibilité en gardant notamment les jeunes
dans le pays.
Enfin, ces programmes redonnent confiance aux jeunes.
Avec l’association UNSAID, Nnus avons d’ailleurs lancé une grande campagne de
communication, format vidéo qui s’appelle « #YoPuedo quedarme »,
en français « je peux rester », pour mettre en valeur des parcours de
jeunes qui ont réussi à trouver un emploi au Salvador.
Quels
sont vos projets futurs ?
Actuellement, l’ONG « Fair programming » est
française. Je suis en train de créer une branche opérationnelle, qui va être
implantée au Salvador dans un quartier très dangereux mais en pleine croissance
avec beaucoup de jeunes.
Nous avons signé un contrat avec la Croix Rouge en
Suisse qui va lancer le 1er projet de centre de formation et de
travail à distance là-bas. Actuellement, nous travaillons également avec la
Croix Rouge pour la mise en place d’un centre pilote en Colombie.
Dans quelques années, j’espère lancer le premier
centre de « Fair programming » dans les quartiers Nord de Marseille,
ma région d’origine.
Leave a Comment